samedi 12 mars 2016

Comment les guerres provoquent des suicides collectifs.

Titre original : Cómo las guerras causaron suicidios colectivos
(Por el 3 de febrero de 2016, 23:59 )

Les guerres n'ont pas toujours causé que la mort des soldats et de la population civile dans des bombardements ou des combats :  elle les a aussi poussés dans un suicide collectif, dont voici quelques exemples.

Il est des gens qui considèrent le suicide comme une fuite devant les circonstances de la vie; d'autres, en revanche, le respectent en tant que décision personnelle sur la fin de notre existence, comme une affirmation courageuse de la liberté personnelle. On ne peut pas douter du fait que cela se produise dans des mauvaises passes de la vie par un sérieux dérèglement biochimique, ni qu'il y a une grosse différence entre se coller une balle parce que votre amour vous a plaqué, et le fait d'opter pour l'euthanasie, de choisir le moment de sa mort devant une maladie fatale ou un état de santé dégradé sans espoir d'amélioration.

Il y a cependant quelques circonstances extrêmes très particulières qui portent au suicide collectif, c'est-à-dire où de nombreuses personnes se donnent la mort simultanément et pour des raisons identiques, qu'elles se connaissent ou non. Les guerres sont généralement la cause de cela, comme je vais vous le démontrer dans les exemples qui suivent.

Numance

Parmi les nombreux exemples de ce phénomène, j'ai choisi de commencer par celui de Numance, où vivait jadis, à quelques kilomètres de la ville espagnole actuelle de Soria, une population de Celtibères qui soutînt pendant vingt ans les assauts répétés des armées de Rome.

Les ruines de Numance (Source Wikipédia)
Il en fut ainsi jusqu'en octobre 134 av. J.-C., où Scipion le Jeune se proposa de forcer les Numanciens à se rendre en leur coupant toutes les sources d'approvisionnement, ce qu'il fit, entre autres choses, en arrachant les récoltes et en brûlant les champs environnants, pour priver Numance de toute possibilité de commercer et en clôturant la ville pour l'empêcher de communiquer avec l'extérieur. Seul un petit groupe d'hommes,  dirigés par un certain Retógenes, dit le Caraunio, a pu franchir l'encerclement de Scipion, au moyen d'échelles, pour demander de l'aide à ses voisins. Seule la ville de Lutia voulut accéder à cette demande, et Scipion, informé de cela par quelques vieux traîtres à leur ville, fit couper les mains de 400 jeunes de ses habitants.

Enfin, dans le courant de l'été suivant, Numance tomba après treize mois horribles de faim et d'épidémies, mais non sans qu'au préalable, 1.500 à 2.000 de ses habitants, la majorité de sa population, ne se fût suicidée après avoir incendié la ville, et le petit groupe des survivants fut emporté par les Romains en esclavage.

Lire aussi : 1.500 celtíberos resistieron a Roma en la ciudad de Numancia
Et pour visiter Numance et sa région, l'office espagnol du tourisme vous informe ici.

Le siège de Massada

Ce qu'il s'est passé à Massada, en 73 après J.-C., mérite aussi d'être conté. C'est arrivé à la fin de la Première Guerre Judéo-romaine quand une Grande Révolte Juive a commencé pour des motifs religieux entre des Juifs et des Grecs et s'est porté contre l'occupation romaine de la Judée.

Cette révolte fut menée par les Zélotes et les Sicaires, des groupes violents, fanatiques, et rivaux de Juifs, et ces derniers ont enlevé Massada à la Troisième Légion "Gala" qui s'y trouvait postée depuis presque trois décennies. Massada (voir photo ci-dessous) est un ensemble de constructions fortifiées qui domine la Mer Morte sur le plateau d'une montagne du désert de la Judée.

La place-forte (oppidum) de Massada, dominant la Mer Morte en arrière-plan.
(Sce : http://guysimone.over-blog.com/article-31115694.html, que nous remercions ici)

Titus réprima cette rébellion, et quand Jérusalem tomba entre ses mains, en l'an 70, il ne restait que trois places fortes pour lui résister : l'une d'entr'elles était Massada.

Après deux années de résistance, Lucio Flavio Silva, décida de lui donner l'assaut avec sa Dixième Légion.

La nuit précédant l'assaut, Eleazar ben Yair, chef des Sicaires, a proposé à ses hommes de se suicider collectivement  pour ne pas être faits prisonniers car ils seraient immédiatement réduits en esclavage. Mais, comme le suicide est un péché pour les Juifs, ils ont décidé d'assassiner leurs propres familles et de tirer au sort les dix d'entre eux qui tueraient les survivants, et lequel de ces dix-là tuerait finalement les neuf autres. Et ça s'est passé comme ça, et, avant que le dernier ne se suicide,  il a incendié la place-forte en épargnant les vivres pour que les Romains sachent qu'ils n'avaient pas agi poussés par la faim.

Près de 1.000 personnes périrent ainsi dans la nuit. Il ne survivra qu'une vieille mère et ses cinq enfants qui s'étaient cachés dans un couloir souterrain qui menait aux citernes, et qui témoigneront de ce qu'il s'était passé dans Massada, la veille de sa chute.

Le suicide forcé des Japonais dans la 2de Guerre Mondiale

Quand les troupes japonaises ont été repoussées par les américaines au cours de la Seconde Guerre Mondiale, on a pu constater à quel point les nippons considéraient comme un grand déshonneur de tomber vivant aux mains des ennemis. Et, dans quelques lieux, les civils furent persuadés que les troupes américaines commetraient sur eux des atrocités dès leur arrivée, et que le mieux à faire était pour eux de se suicider; et ceux qui le niaient étaient obligés de le faire à moins de se faire exécuter.

C'est, par exemple, ce qu'il s'est passé dans l'île de Saïpan, aujourd'hui partie des Îles Mariannes du Nord, territoire associé aux États-Unis. Le 9 juillet 1944, la population a commencé à se jeter par les falaises de Marpi. Des mères se lançaient avec ses enfants dans des bras, ou alors elles les jetaient dans le vide avant de s'y lancer ensuite avec leurs époux, grands-pères et autres parents. L'horreur attînt son comble lorsque, des enfants n'ayant pas succombé à leur chute, étaient retrouvés plus tard, hurlants de douleur ou à l'agonie, par des soldats américains tels que Michael Witowich, à qui il ne restait d'autre choix que de les achever pour abréger leurs souffrances. Et Witowich en fut traumatisé à vie.

Dans l'Archipel des Ryukyus, entre mars et juin 1945, cette obligation de suicide collectif s'est répétée. A Tokashiki, plus de 300 civils se sont entre-tués en s'étranglant ou en se fendant le crâne à coups de pierres ou de bâtons. A Okinawa, des familles entières ont été aussi frappés à coups de bâtons et des pierres, se sont pendues, se sont faites souffler par des grenades à l'intérieur de leurs maisons ou se sont jetées des falaises du Bout Kiyan. Mais aussi, d'autres, après s'être assurés que les leurs s'étaient bien suicidés, se jetèrent contre les troupes américaines, chacun muni, comme les soldats, d'une paire de grenades  l'une, pour l'ennemi, l'autre, pour eux-mêmes.

Les soldats américains se sont efforcés de contrecarrer cette idée qu'ils n'étaient que des barbares qui venaient torturer, violer les femmes et massacrer la population. Le Mexicain Guy Gabaldón a fait prisonniers plus d'un millier de Japonais après les avoir convaincus de cela, et en obtenant d'eux qu'ils ne se suicidassent pas, raison pour laquelle il fut décoré de la Croix de la Marine. Malgré tout, à Okinawa, où près de 250.000 civils succombèrent aux bombardements, aux combats ou aux suicides, d'innombrables japonaises furent violées par les soldats américains.

Enfin, n'oublions pas ces fameux "kamikazes", qui se jetaient avec leurs avions contre les bateaux ennemis ! bien que la majorité d'entr'eux se sont suicidés ainsi, pour mourir en tuant, et avec la conviction que c'était leur devoir, il s'en est trouvé qui considéraient ce comportement comme un authentique délire, et ils n'ont été volontaires que pour ne pas déshonorer leurs familles en contrevenant à un principe social japonais d'accomplissement collectif.

Cette crainte n'était pas dénuée de fondement. Quand l'avion du soldat kamikaze Kenichiro Oonuki fut touché par la chasse en avril 1945 alors qu'il s'apprêtait à éperonner un bateau, il fut contraint de se poser sur une île voisine où il fut capturé par les siens, accusé de lâcheté pour avoir survécu à sa mission-suicide et torturé pour cela. C'est un des rares "kamikazes" à avoir survécu à la guerre.

L'histoire collective de Demmin

En mai 45, alors que la Seconde Guerre Mondiale touchait à sa fin, quand les habitants de cette ville allemande de Demmin eurent compris que l'Armée Rouge allait la prendre, et qu'ils ne pourraient pas résister cette attaque et que leur pays avait perdu la guerre, 700 à 2.000 de ses habitants se sont suicidés au cyanure, au pistolet, se sont taillés les veines, ou pendus avec des ceintures, ou encore se sont jetés à la rivière Peene, attachés à des sacs de pierres pour en finir avec la vie. Des jours durant, les bords de la rivière restèrent jonchés de cadavres,  des corps se balançaient aux branches des arbres, et une odeur putride émanait des maisons où des familles entières s'étaient données la mort.

Joseph Goebbels

Irene Bröke, qui n'était alors qu'une fillette de dix ans fut témoin de tout ça : "des fosses communes ont été creusées dans le cimetière parce qu'il n'était pas possible de leur donner un enterrement autrement. Nous les reprenions dans des brouettes et les déposions à la fosse. En chemin nous reconnaissions des voisins, la maîtresse d'école, l'infirmier ..."

Parmi les raisons qui ont conduit à cette horreur, il n'y avait pas seulement la défaite et l'arrivée de l'ennemi, mais aussi l'insistance avec laquelle le Ministre de Hitler pour la Propagande,  Joseph Goebbels, martelait dans ses discours radio-diffusés, qu'il était toujours "meilleur de mourir que de tomber aux mains des Russes", c'est-à-dire qu'il prônait un suicide collectif, et c'est  précisément ce à quoi le nazisme a conduit l'Allemagne, comme d'autres idéologies ont conduit d'autres personnes au suicide en d'autres lieux, et ce, tout au long de l'Histoire.

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