vendredi 3 juin 2011

Ce qui a fait de moi le Biturige que je suis.

Ce qui fait de moi un Biturige, c'est ce qui a fait de ma France natale la France d'aujourd'hui : à force de réformer le travail accompli patiemment par nos ancêtres dans le seul but d'installer un ordre venu d'ailleurs, à force de ruiner la langue monumentale qui faisait l'unité des Français pour établir à sa place une sorte de sabir atlantique, à force, enfin, de faire piétiner par tout ce qui vient d'ailleurs le terrain culturel qui faisait l'originalité des Français, et leur fierté, le socle des origines a, semble-t-il, refait surface, et, finalement, il vaut encore mieux être un simple Biturige que l'administré de ... "ça" (veuillez noter au passage l'usage particulièrement adapté des guillemets anglais pour encadrer la chose et la mettre en «valeur»).

Mais par dessus tout, s'il n'y avait eu que «ça», je ne serai pas devenu Biturige pour autant car c'est bien la seule érosion du vernis français qui a fait ressurgir mon identité sous-jacente. Ainsi ne serai-je pas devenu Biturige si je ne l'avais pas été auparavant. On ne devient en fait que ce que l'on est, comme on n'est jamais que ce qu'on devient : être et devenir sont intimement imbriqués. Qui donc a dit qu'on ne pouvait pas à la fois être et avoir été ?

Comment s'écrit l'histoire

J'entendis un jour Serge Moati confier devant les caméras qu'il fut bouleversé le jour où ses parents lui apprirent qu'il le leur avait été confié pendant la seconde guerre mondiale après la disparition de ses parents génétiques, juifs, et qu'il n'eut cesse de sentir depuis sa judéité chromosomique s'imposer et devenir son identité profonde. Sans doute parlait-il alors de quelqu'un d'autre, car sa biographie sur wikipédia n'évoque pas cette anecdote et le fait naître après la guerre, mais il ne viendrait à personne l'idée de lui contester ce fait, alors pourquoi viendrait-on me contester d'être Biturige ? Certains fous diraient que cela n'existe pas : or, j'existe. D'autres, se croyant peut-être plus malin, diraient qu'être tout seul ne suffit pas à être d'un peuple, mais le dernier des Mohicans était-il moins Mohican pour en être le dernier ? Et n'était-il pas aussi Canadien ? Et peut-être aussi juif ou Israëlien, que sais-je ? Avec tous ces double-nationaux...

En fait, je pense que personne ne viendra me reprocher quoi que ce soit, et je suppose volontiers que l'opinion du monde s'exprimera, comme à son habitude, par un courageux non-dit, éventuellement souligné par un sourire en coin.

Il y a des moments où il faut s'arrêter de penser pour entrer dans la réalité des faits et gestes.

Hé bien soit !

Entrons.

C'est ainsi que s'écrit l'histoire : « Ci commence ma geste biturige.»